Poésie et psychiatrie

Un bel article dans le Berry Républicain relate une heure d’atelier d’écriture de poèmes à l’hôpital George Sand, service psychiatrique du site de Chezal-Benoît, dans le Sud-Ouest du Cher.

Au total, 18 heures d’ateliers, à l’invitation du Paris-Mozart-Orchestra, des rires, de l’émotion, et la création d’un autre jardin en mouvement, qui anticipe le concert immersif du 2 juin à Chezal-Benoît.

Ensuite il y aura une exposition itinérante des textes composés pendant les ateliers.

Photographie : Pierrick Delobelle

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Je ne connais rien de Gien

Je ne connais rien de Gien, à part sa porcelaine, à décors de coq sur ramures jaunes et bleues. Je l’ai confondue furtivement avec Giens, la presqu’île, la mer, la Méditerranée. Gien se situe dans le Loiret, qui est voisin de mon cher Cher. Gien est sur la Loire, que j’observe attentivement chaque semaine, depuis le train, appréciant la hauteur de l’eau et l’étendue du sable, les nuées d’oiseaux, les joggeurs joggant à Orléans. J’irai à Gien pour animer des ateliers d’écriture auprès de collégiens, les 30 et 31 mars prochains. On lira à la médiathèque de Gien, aussi, le vendredi 31 mars. Je passerai une frontière liquide, la Loire, une frontière départementale, et je dépasse aussi les bornes, avec le Printemps des poètes qui a la courtoisie de m’inviter. Je parie qu’on ne mangera pas de pruneaux.

Connaissance du Centre

Il est beau, il est sorti le 8 novembre 2022 aux éditions LansKine, et on y trouve la question aux nombreuses questions sur le centre, géographique et intime. Connaissez-vous l’aérotrain? la Grosse Bouteille? le jardin partagé Trouillot? L’albizia et ses éventails de soie? les marais et leurs cabanes? La porte jaune dite la porte d’or? Les métamorphoses de la carpe? L’âme des lentilles ? Savez-vous voyager tranquillement dans votre chambre? Dans votre rue? Dans votre quartier? Dans votre département? Dans un train? Regardez-vous les couvertures des livres avant de les acheter et de les lire? Les regardez-vous vraiment? Aimez-vous Claudel (Paul)? L’aimez-vous vraiment? Alors vous connaissez Connaissance de l’Est.

Si vous préférez écouter, une émission de radio sur Aligre.fm, merci à Paul de Brancion de m’avoir invitée.

Connaissance du Centre, éditions LansKine, 2022, 16 €

Poèmes des Tang

Photo de SAM LIM sur Pexels.com

J’ai écrit des poèmes d’inspiration bouddhiste, de la dynastie des Tang. Comme eux ont leur bol autour du cou, j’ai dans mon sac de toile un petit volume traduit par Paul Jacob, collection Connaissance de l’orient/ Gallimard.

Ce livre bol me sert à manger, à mendier, et à recueillir la matière de mes poèmes. On n’écrit pas à partir de rien et on vole ce que l’on aime.


Ce sont des quatrains, ou des huitains, rimés toujours, comptés le plus souvent. Eux sont bouddhistes et je ne le suis pas. Eux sont anciens et ils sont de nos jours. Leur lecture est bonne et nourrissante.


Au cœur des villes les poètes zen
se rassemblent pour écrire, pour boire.
Mais ils n’avalent pas de boisson saine,
n’ont pas l’air de poètes, il faut me croire.

Si ce gars là meurt, et que je le vois
c’est comme un pic de glace dans mon ventre.
Ce n’est pas tellement qu’il m’apitoie,
c’est que j’ai peur d’avoir mon tour à prendre.

Reclus ton cœur, pas reclus tes pas
reste plutôt au cœur du monde-monde
Plante au printemps l’arbre que tu n’as pas
La montagne te manque, regarde à la ronde
les images. Je vis dans le chaos,
je ne me plains pas, le sens y est au chaud.

On n’apprend pas les langues forestières
on n’a jamais traduit un son barbare.
Parler de zen ? Bousculer l’âme entière !
Le Bouddha est mort de rire – c’est rare !

Je tire au sort un endroit pour vacances
permanentes : Licata ( en Sicile)
me jette le dictionnaire. Tout danse :
la mer, le soleil, la pierre, l’esquif
fragile, les olives noires comme
la peau des embarqués dans le Zodiac.
Les astres ont parlé : aussi vrai que l’Homme
est mesure de tout, j’y suis j’y claque.


Ces poèmes bouddhistes sortent du tiroir de l’ordinateur.

Les cinq points cardinaux

Pour écrire un roman, ou pour écrire de la poésie, il y a cinq points capitaux. S’il en manque un, rien ne se passe. Pas de roman, pas de poésie, pas de théâtre non plus.

La langue

On écrit toujours dans une langue, le plus souvent la nôtre. C’est la nôtre à plusieurs titres. Notre langue maternelle, celle qui est parlée dans le pays que l’on habite. Dans mon cas c’est le français. Je peux lire et comprendre d’autres langues, mais ce ne sont pas les miennes. Et dans mon français, la quête, c’est de trouver ma langue, ma manière singulière, personnelle, unique, d’habiter ce français. Et de l’honorer, si possible.

Le monde

On n’est jamais seul au monde. Pour écrire, le plus simple, je crois, c’est d’être ouvert, particulièrement ouvert au monde qui nous entoure. Par les objets et les choses, par les gens. Par la nature, où qu’elle se trouve. Par les sciences, par les arts. Par le corps. Quand on écrit, on essaye de faire entrer le monde dans ses mots. Il devient un microcosme transportable.

L’intime

Attention, pas de déballage de l’intime, pas de journal intime. Cela peut sembler paradoxal, contradictoire avec le point cardinal précédent : on n’écrit bien qu’à partir de ce que l’on connait bien. Ce que l’on a vécu, et que l’on va transposer, modifier. Mais on part de ce que l’on connait intimement. Quitte, presque toujours, à décaler, transposer, modifier.

Les autres

On écrit pour soi, mais aussi un peu pour les autres. Pourquoi publier, sinon? C’est une vraie question. Il faut une sacrée dose d’orgueil, quand même. On écrit aussi avec les autres, ceux, celles qui ont écrit avant. Ceux, celles qui écrivent en même temps. Ce sont des montagnes, on est un petit caillou. Mais quand on gravit la montagne, on ajoute un petit caillou plat en haut d’un cairn. D’autre part, pour gravir une montagne, comment fait-on? On met un pied devant l’autre, on marche pas trop vite, en regardant en haut (pas vers le bas quand on est à mi-chemin, si, comme moi, on est touché par le vertige).

Le désir

Sans lui, rien n’est possible. Le désir d’écrire doit être plus fort que tout. Le monde, les autres, l’intime, et même la langue qui se dérobe. Le désir entraîne tout ça avec lui, il les roule, il avance. il écrase tout. Si vous écrivez pour les autres, leur plaire, les impressionner, vous n’irez pas loin.

Couler du béton

ça avance, ça avance. Raymond Queneau, le patron des oulipiens, écrivit qu’il y avait deux manières d’écrire un roman. Soit on a un plan, précis, détaillé, un cahier des charges, soit on avance manière « troupeau d’oies », en poussant les personnages comme un troupeau d’oies.

Cette fois-ci, j’ai un plan, mais je n’ai rien contre le troupeau d’oies.

Et quand on a un plan, une fois les scènes capitales écrites, il faut écrire le reste, pour que cela tienne debout : couler du béton.

Formes fixes

Formes fixes, formes mouvantes

Pour le PPP, j’utilise presque toujours des formes fixes. La forme, comme celle qui donne son nom au fromage (le formage), est un cadre, une limite, une bordure, une frontière. C’est elle qui me permet de reconnaître un poème au premier coup d’œil, comme on distingue un Saint-Nectaire d’un camembert sans se tromper, seulement à l’aide de la vue. C’est elle qui me permet d’écrire, il n’y a presqu’à remplir. Elle me guide comme Virgile guide Dante, avec douceur et fermeté. Elle m’empêche de tomber.

Ceux qui s’opposent au formalisme, qui décrient la forme, n’ont jamais eu le vertige. Moi j’en suis atteinte, et la forme m’en protège, dans sa beauté et son parfum vert de laurier.

La forme que j’emploie en ce moment dans mon PPP quotidien (pour la commune de Balsièges, 48, que j’ai bientôt terminée) est le fatras. Il m’évite, quel paradoxe, de dire et d’écrire n’importe quoi dans une langue que l’on ne comprend pas, grâce à son système de rimes serrées, et sa relative brièveté. Ainsi je ne m’étale pas trop, c’est une longueur idéale pour le poème du jour.

Et si j’inventais une langue (une fatrasie)? Je ne serais pas la première et ce serait un beau sujet de poème. Non?

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À la maison

aquarelle Marion Rivolier/ Urban Sketchers Paris à la Santé

Pas aussi souvent que je le souhaite, je me rends à la maison d’arrêt. Cette année en particulier, après avoir animé de nombreux ateliers dans de nombreuses maisons comme celle-là, j’ai suivi les activités culturelles et la programmation culturelle. Sauf que cette année, tout a été annulé ou reporté.

Toutefois, je continue d’écrire un livre de poésie qui devait retracer une année culturelle à la maison d’arrêt. Avec les mille univers, le livre sera fera.

Ce sont des poèmes portraits, et aussi de poèmes de métier, car il y a beaucoup de métiers à la maison d’arrêt.

Image : Marion Rivolier

Connaissance du centre

J’ai terminé Connaissance du Centre avec ce petit pincement que l’on a à la fin d’un voyage. Quand on quitte les amis qui nous ont accompagnés pendant des mois (à supposer que je voyage avec des amis pendant des mois, et à plus forte raison pendant le confinement de printemps 2020). Connaissance du Centre m’a accompagnée tous les jours du 16 novembre 2018 au 25 mars 2020. J’ai aussi écrit d’autres poèmes. Avec moi la grosse tête de Claudel, que je portai alternativement parce qu’elle était très lourde. Lui a écrit Connaissance de l’Est en voyageant. J’ai écrit Connaissance du Centre en restant bien centrée.

En cours, roman

un extrait de SBAM

En ce moment, je prépare un roman qui me tient à cœur. Il s’appellera SBAM. Ça fait très longtemps qu’il dort dans un tiroir. J’avance régulièrement, à coup de trois mille signes par jour. Il y a beaucoup à dire. Il y a beaucoup à écrire. La seule chose que je peux dire, c’est qu’il y est question de la Divine Comédie de Dante et des supermarchés.